Solarpunk

API0075

Solarpunk · Il y a des alternatives (atelier d'écriture)

Responsable de l'Api

Stéphane Crozat

Autres intervenants

  • Servanne Monjour, chercheuse au CNRS en humanités numériques littéraires (l’Api est proposée en partenariat avec l’UFR de littérature française et comparée & Faculté des Lettres de Sorbonne Université)

  • Yann Kervran, auteur de fiction, membre de Framasoft et de sa maison d'édition Des Livres en Communs

  • Alexandre Brandy, auteur de fiction

  • Emmanuelle Tabet, chercheuse au CNRS en littérature, actuellement à l'ENS

  • Guillaume Carnino, enseignant-chercheur à l’UTC, historien des techniques

Résumé

L'objectif de cette Api est d'écrire et publier une courte fiction s’inscrivant dans le cadre des défis TSH afin de questionner nos trajectoires et raconter un avenir désirable. Nous nous appuierons pour cela sur les concepts associés à la lowtechisation, sur le genre solarpunk d’une part et sur l’ouvrage Au commencement était... d’autre part.

  • Lowtechisation. La lowtechisation est un concept forgé à l'UTC. Il désigne un processus consistant à rediriger la conception pour négocier le spectre fonctionnel et la complexité des objets afin de créer des outils plus soutenables environnementalement, plus responsables socialement et plus conviviaux techniquement.

  • Solarpunk. Le solarpunk est un genre culturel, notamment en littérature, qui s'oppose au cyberpunk. Tandis que ce dernier anticipe des univers technologiquement avancés mais où l'humanité a suivi une voie indésirable (Blade Runner, Neuromancer...), le solarpunk au contraire décrit des univers souhaitables où les humains ont réussi à coexister de façon équilibrée avec leurs techniques. Le solarpunk se déploie y compris dans des milieux difficiles (crise climatiques, pénuries de ressources, risques industriels, conflits...)

  • Au commencement était. "Au commencement était..." est un livre de David Graeber et David Wengrow (2021, Les Liens qui Libèrent) qui ré-explore l'histoire premières sociétés humaines. Leur thèse est qu'une partie significative de ces civilisations ont vécu sous des régimes politiques et techniques très divers qui contrastent avec l'idée dominante d'un sens de l'histoire inéluctable. Ces exemples historiques montrent que les humains peuvent exercer des choix quand à leurs modes de vie.

L’Api sera construite autour d’apports conceptuels et méthodologiques et de séances d’écriture et de lectures croisées en binômes. Les binômes « solarpunk » s’inscriront dans le cadre de l’univers de l’UPLOAD (Université Populaire Libre Ouverte Autonome, Décentralisée) dans un genre de type anticipation. Les binôme « Au commencement était... » imagineront des récits à partir des univers décrit dans l’ouvrage de Graeber et Wengrow.

L’Api permettra d’aboutir pour chacun à une première version d’un texte court qui sera publiée sur le Framablog (https://framablog.org/) sous licence libre CC BY-SA. Ces textes seront lus en direct sur la radio Graf’hit le dernier jour de l’Api par leurs auteurs et autrices.

Après l’Api, avec ceux qui le souhaitent, les textes pourront être retravaillés pour produire deux recueils (un « UPLOAD/Solarpunk » et un « Au commencement était... »). Ces recueils auront vocation à être édités par Des Livres en Communs et/ou d’autres maisons d’édition.

UPLOAD (univers solarpunk de l’atelier)

Camille et Sasha marchent côte à côté. Ils ne se tiennent pas par la main, pourtant, Sasha, il voudrait bien. 

— Tu vas en cours ce matin ? demande Camille avec un petit sourire qui semble ajouter, même si je sais bien que tu n’y vas pas souvent. 

— Je ne sais pas, c’est quoi au menu ? 

— Initiation à la programmation, on va faire du JavaScript. 

— On n’a pas déjà fait ça au trimestre dernier ? 

— C’est un « on » qui ne t’inclut pas, hein ? Je ne t’y ai pas vu souvent en cours le trimestre dernier ! répond Camille avec malice. Non, on a surtout vu comment se servir de l’ordi, gérer son système, et on a vu comme écrire et publier du contenu sur le Web via les Rasp de l’asso. On a fait un tout petit peu de JS, mais… 

— de JS ? 

— JavaScript. T’es largué ! Bref, là on va vraiment apprendre à écrire des programmes, c’est la partie que je préfère. À la fin on va programmer un petit robot. C’est César du repair’ café qui l’a fabriqué. 

— Je pense que je vais aller au jardin plutôt. 

— Y a rien à y faire en hiver ! 

— Si, si, y a toujours des trucs à faire. Y'a la serre à ranger. Et je vais finir de pailler, on a récolté les dernières courges et il reste des coins où la terre est à nu. Le paillage, ça prépare un peu d’humus pour le printemps, et puis ça limite les adventices. 

— Les adventices ? T’en connais des mots quand tu veux ! 

— Les herbes indésirables. 

— Ah, les mauvaises herbes… 

— C’est toi la mauvaise herbe ! la coupe-t-il en riant. On dit plus comme ça. L’herbe elle est mauvaise que par rapport à ce qu’on veut faire nous les humains à un moment donné avec, mais pas en général. Elle rend des services aussi. C’est important les mots, ça force à réfléchir un peu plus. Ça construit notre représentation de la réalité, même. 

— Merci pour la leçon. 

Camille est un peu piquée, mais finalement elle se dit que Sasha n’est pas si ballot qu’il veut bien le laisser paraître, il doit être plus assidu aux cours de philo. Et sur son jardin, il est à fond, elle trouve ça mignon. 

— Tu vois, les orties, c’est la plaie, hein, ça pique sa race, ça se faufile partout, tu galères à t’en débarrasser. Et ben tu peux faire des tas de trucs avec, de l’engrais, du désherbant, même ça se bouffe. J’ai essayé, je me suis cramé la gorge et j’ai eu l’impression d’avoir une otite pendant trois jours, mais parait que je m’y suis mal pris, qu’il faut manger que les jeunes pousses. Je réessaierai.

Et puis, Camille, elle se dit que quand elle reprogrammera le monde, il faudra bien des types comme lui pour lui préparer à manger. Elle rêvasse à elle vautrée derrière son PC et Sasha à la cuisine en train de lui préparer une omelette fromage et orties qui pique un peu à l’intérieur des oreilles. 

— On se retrouve cet après-midi alors, tu vas au Wushu ?

Ils arrivent à l’école. Ce sont des anciens bureaux de la ville qui devaient être détruits, trop vieux, trop à l’écart. Finalement, ils les ont filés à l’association. Petit à petit, chaque nouvelle promo rénove, de l’isolation surtout. Avec du chanvre qu’on fait pousser nous-mêmes. Il y a toujours plein de volontaires pour faire pousser du chanvre. Ce n’est pas du style second empire, plutôt un gros cube décrépi planté au milieu de nulle part, et en hiver, avec les champs rasés de frais et la forêt sans feuilles, c’est un peu triste.

Mais le méga-tag plein de couleurs qui tartine toute la façade donne la patate quand tu t’approches. Il annonce dans un style à la fois foutraque et fier : UPLOAD. Université Populaire Libre Ouverte Autonome Décentralisée. Et en plus petit en dessous : Technologie, Écologie, Humanité. 

Pourtant, Sasha fait un peu la gueule, comme à chaque fois qu’ils arrivent et qu’il n’a pas réussi à lui parler d’autre chose que de son jardin à Camille. Je t’aime Camille ! Voilà. Ben non. À tout à l’heure Camille.

https://upload.framasoft.org

Au commencement était... (extraits)

Si, au lieu de raconter comment notre espèce aurait chuté du haut d’un prétendu paradis égalitaire, nous nous demandions plutôt comment nous nous sommes retrouvés prisonniers d’un carcan conceptuel si étroit que nous ne parvenons plus à concevoir la possibilité même de nous réinventer.

Ce que nous apprend la fréquence des modèles saisonniers au Paléolithique, c’est que les êtres humains ont toujours expérimenté en toute conscience un éventail de possibilités sociales – en tout cas, aussi loin que l’on puisse remonter.

Ces textes le prouvaient : il existait de par le monde des sociétés qui fonctionnaient d’une tout autre manière. Cela voulait bien dire que les arrangements sociaux européens n’étaient pas les seuls possible.

En fait, ce qu’elles nous apprennent renverse totalement ces croyances populaires. Nous savons désormais que, dans certaines parties du monde, des villes se sont autogouvernées pendant plusieurs siècles sans le moindre temple ni palais, ceux-ci n’apparaissant que beaucoup plus tard – ou jamais. De nombreuses villes antiques semblent n’avoir eu ni classes de gestionnaires ni aucun autre type de strate dirigeante. Certaines ne connaissaient visiblement de pouvoir centralisé que par intermittence. En somme, tout indique que la vie citadine à elle seule n’implique pas et n’a jamais impliqué une quelconque forme particulière d’organisation politique.

Envisagées globalement, ces diverses expériences indépendantes sur le plan historique montrent à quel point le sort des premières sociétés agricoles était souvent moins lié à un « impérialisme écologique » qu’à une « écologie de la liberté ». Nous reprenons ici cette expression forgée par le pionnier de l’écologie sociale, Murray Bookchin, en lui donnant un sens bien précis. Si les paysans se caractérisent par leur « engagement existentiel dans l’agriculture », comme l’a écrit un jour l’anthropologue Eric Wolf, alors l’écologie de la liberté (ou « agriculture en dilettante » dans notre terminologie) est l’exact opposé de la condition paysanne. Elle décrit la propension des humains à pratiquer l’agriculture par intermittence et en toute liberté ; à jouer aux fermiers sans le devenir pleinement ; à faire pousser des graines ou élever des animaux sans sacrifier une trop grande part de leur existence aux rigueurs logistiques de l’agriculture ; à maintenir un réseau trophique suffisamment étendu pour que cultiver la terre ne soit pas une question de vie ou de mort. C’est exactement la forme de souplesse écologique que les récits conventionnels de l’histoire du monde tendent à occulter, faisant de l’acte de planter la première graine une sorte de point de non-retour.

Typologie Api

Modalité : #Stage

Format : #Enseignant #Chercheur #Asso

Complément : #Cours #Atelier #Projet #Partenariat

Domaine

Écologie & Création culturelle

Public visé

  • TC et GX. Aucun prérequis.

  • Ouvert aux participants extérieurs à l'UTC

Catégorie

TSH

Objectifs pédagogiques

Objectif de l’Api : savoir imaginer et décrire un projet technologique en lien avec la lowtechisation

Objectifs spécifiques :

  • Savoir écrire, publier et lire collaborativement un texte court en lien avec la technologie et l'écologie

Objectifs transversaux :

  • S'approprier les concepts de la lowtechisation

¨Programme

  • Jour 1. Présentation des concepts et ouvrages de référence (solarpunk, lowtechisation, impacts socio-environnementaux...) ; écriture de micro-histoires ; arpentages (lecture en commun d'ouvrages en rapport avec les enjeux socio-écologiques) ; introduction à la culture et aux outils libres

  • Jour 2. Méthodes et conseils d'écriture ; constitution de groupes et création des univers ; mise en commun via des posters ; arpentages ; publication de synopsis via le média social Mastodon

  • Jour 3. Production d'une première fiction ; relectures pair-à-pair ; échange avec les professionnels ; mise sous licence libre et partage via Mastodon

  • Jour 4. Production de v2 ou de nouvelles fictions selon les avancements ; illustrations ; publication sur le blog de Framasoft ; préparation du passage à la radio

  • Jour 5. Passage à la radio en direct ; finalisation de l'écriture en vue de la publication finale

Évaluation

  • Contrôle continu : 50%

  • Publication écrite et orale finale : 50%

Inter-semestre

E25

Période

30/06-04/07

Capacité d'accueil

40

Lieu de déroulement

CR · BUTC

ECTS

2

Temps de travail étudiant

Travail demandé pendant l'Api : 40h